Où en est la rénovation du Zoo de Vincennes ?

Des rumeurs contradictoires circulent de-ci et de là. Un appel d’offre
a été lancé par le Muséum d’histoire naturelle de Paris, mais lequel ?
S’agit-il d’un vrai appel d’offre ou d’une manière de retarder les échéances ?
D’aucuns remarquent qu’aucune ligne budgétaire n’a été fixée aux cabinets sélectionnés
et s’étonnent. D’autres pensent qu’il ne faut pas précipiter les choses mais s’interrogent
sur la méthode. Il devenait nécessaire de faire le point, d’interroger les uns et les autres.
Enquête et analyse.

I – Rappel : l’état animalier et financier des lieux
• Premier point : le billet est désormais à 5 euros pour les adultes et les enfants. Les animaux les plus emblématiques, les éléphants et les fauves sont partis : il reste 400 animaux sur les 1 200 du début.
Il y a eu baisse du prix du billet adulte qui était à 8 euros.
• Si l’effectif animalier a diminué de 66 %, la fréquentation qui était de 700 000 visiteurs en août 2004 s’établirait à 375 000 visiteurs en 2005, dont 50 000 gratuits. Le chiffre d’affaires annualisé,
sur cette base, serait passé d’environ 4 millions d’euros à 1,6 million d’euros.
• Il y avait enfin un risque pénal certain pour les gestionnaires, si un rocher se détachait sur la tête
d’un enfant ou d’un membre du personnel. Si une recherche en responsabilité intervenait,
elle pouvait même mettre en cause le ministre, mais la mise en sécurité des installations
(grâce à un déblocage de 1 million d’euros en urgence) le rend improbable.

II – L’appel d’offre : le texte
Le 11 février 2005, un appel d’offre concernant le Zoo de Vincennes est publié dans Le Moniteur.
En voici l’essentiel :
« A partir des orientations philosophiques, culturelles et scientifiques fixées par le Muséum,
les 3 équipes sélectionnées devront dans un premier temps et de façon quasi-simultanée élaborer,
en relation étroite avec le Muséum, le programme général de rénovation du Parc zoologique
de Paris.
Au cours d’une première phase, chaque équipe devra séparément proposer au Muséum
par étape successive et à l’appui des esquisses architecturales, scénographiques et paysagères,
le programme détaillé du projet dessiné de rénovation du parc zoologique de Paris.
Les 3 études de définition abouties seront finalement présentées à un jury constitué
de membres choisis par le Muséum qui désignera l’équipe lauréate.
• Quantité (fourniture et services), nature et étendue des travaux : description :
– le maître d’ouvrage a choisi de confier simultanément à 3 équipes différentes, une mission
d’étude de définition du projet de rénovation du parc zoologique de Paris.
– le présent avis d’appel à la concurrence a pour but de sélectionner les 3 équipes qui seront
retenues.
– les équipes seront principalement constituées d’un programmateur, d’une équipe classique
de maîtrise d’ouvrage et d’un zoologue.
– en outre, des compétences seront nécessaires dans les disciplines suivantes : conservation
des espèces animales sauvages ex situ, sciences vétérinaires, urbanisme, paysage, scénographie, ingénierie financière, ingénierie touristique, ingénierie financière et ingénierie dans
le domaine du développement durable.
• Modalités de choix des équipes :
presélection de 5 à 7 candidats sur dossier à partir des compétences, références et moyens
de l’équipe ; les candidats présélectionnés devront à partir d’un cahier des charges qui leur
sera remis par le maître d’ouvrage, produire un projet d’intention sur la compréhension du projet,
l’organisation des travaux et la méthode proposée [...]
• [...] Critères d’attribution :
offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères énoncés dans le cahier des charges (règlement de la consultation, lettre d’invitation).
• Sélection des 3 équipes le 17 mai 2005.
• Fin probable de leur travail : 20 semaines plus tard. »


III – La place du partenariat public-privé (le « PPP ») dans l’appel d’offre
Ce n’est qu’après cette phase que sera activé le partenariat public privé, sur lequel
nous reviendrons avec le magazine Internet Vivant et un avocat.

IV – Le rôle du Comité d’experts qui chapeaute l’appel d’offre
• Un comité d’experts, co-présidé par Alain Bougrain-Dubourg (président de la LPO et M. Galley
(Directeur général du Muséum), constitué de 10 scientifiques et de 10 personnalités extérieures,
a pour rôle d’évaluer les propositions de rénovation, d’auditionner les associations et de tenir informé
un groupe de partenaires composé des représentants des villes, de la Mairie de Paris, des administrations
et des associations.
• Le plan de collection élaborée dans le Muséum sous les auspices de Mme Béraud,
qui chapeaute les parcs zoologiques du Muséum, a été à la base du cahier des charges
pour la réalisation de l’étude de définition.


V – L’inquiétude et les questions des personnels et des entrepreneurs
du « développement durable »

Cette sélection de programmistes, qui figureront les grandes lignes de ce qui sera opté,
a donné immédiatement à Arca Majore l’impression d’une marche forcée trop rapide.
Elle a essayé de voir si ce postulat était vrai ou faux. N’ayant pu se procurer le cahier des charges,
elle étaye son analyse par une explication du texte de l’appel d’offre et un rappel du contexte,
en soulignant qu’elle révisera son point de vue selon les informations à venir.
– L’absence de données chiffrées
• La présidence du Comité d’experts n’a pu nous en fournir, mais l’étude de définition
aurait précisément pour but d’aboutir à de telles données.
Du point de vue économique, le Zoo entre dans la catégorie des parcs à thème scientifiques.
Or, un parc à thème doit investir à sa construction (ou à sa reconstruction) 1 900 euros par
mètre carré (ratio-type de l’industrie des parcs à thème ; nous reviendrons sur ce sujet avec
un expert). Soit, pour 15 ha, 274 millions d’euros. Ce qui est paradoxal, c’est qu’un chiffre
circule déjà, ou plutôt une très basse fourchette : 60 millions d’euros environ.
• La seule façon de sortir de ce dilemme, c’est donc de dire aux cabinets :
« Partez de 60 millions d’euros, mais prévoyez l’extension progressive des installations.
Bref, prévoyez dans le bâti – comme pour les organismes vivants – une capacité évolutive »...

D’autant plus que, pour maintenir son attractivité, un parc à thème, scientifique ou non,
doit réinvestir chaque année, bref, évoluer, muter... Même chose pour un outil scientifique,
qui doit être prévu dès l’origine pour durer et se renouveler 50 ans, voire plus...
• Or, les grands opérateurs de parcs à thème, que nous connaissons pour les avoir interviewés,
sont précisément dubitatifs pour cette raison.
Ils veulent des chiffres clairs, des ouvertures de lignes budgétaires balisées dans le temps,
une stratégie créative raisonnant au-delà de l’espace de Vincennes, des ratios de gestion,
des tableaux de bord, des objectifs, une autonomie de gestion (si l’on raisonne public-privé).
Laquelle autonomie est recommandée par certains scientifiques pour des raisons autres.
Nous verrons donc si le « PPP » rend cela possible.
– Le risque politique : l’inquiétude des associations environnementales
Il est regrettable qu’aucun document, hors l’appel d’offre, ne circule publiquement.
Peut-être ces inquiétudes ne sont-elles donc pas légitimes...
• Notre association a créé une fédération d’associations environnementales forte
de 6 000 membres, réunissant toutes les associations indépendantes du site.
Nous avons réussi à convaincre la majorité socialiste de la Ville de Paris (appuyant en cela
Yves Contassot, le Maire-adjoint écologiste qui gère les Parcs et jardins, donc le site sur lequel
s’étend le Zoo) d’empêcher que le nouveau PLU permette la construction de parkings souterrains
sous le Bois (chose logique quand on se bat pour la restauration d’un écosystème) !
Par ailleurs, les Parcs et Jardins souhaiteraient fermer un jour la route de ceinture
du lac Daumesnil, où se garent les voitures des familles qui viennent au Zoo.
• Ceci est grave pour la fréquentation du parc rénové, car interdire le stationnement peut le tuer.
Pourtant, je ne pourrai empêcher nos amis associatifs de partir dans une guerre totale, y compris
juridique, contre tout stationnement dans le Bois et d’être alors rejoints par les alliés des Comités
de quartier parisiens, qui activeront la Mairie du XIIe arrondissement. Il y a là un tabou.
Pour se garder, cette alliance va se doter de la personnalité juridique.

• Mais ce problème peut être résolu si un parking est creusé place Jules Renard, juste à côté
du Palais de la Porte Dorée (plus un parking côté Charenton pour les Val-de-Marnais).
L’avantage est que ce premier parking desservirait la future Cité de l’immigration.
Ceci impose un lien physique, souterrain ou aérien, entre la place Jules Renard et l’entrée du Zoo,
en pensant poussettes et enfants.
Nous soulignons cependant le fait que, interrogés sur des navettes type bus, les gestionnaires de parcs
à thème les écartent carrément (pour les familles, ruptures de charges peu motivantes, côté non festif) ;
ils soulignent en fait la nécessité de faire commencer la scénographie dès la sortie des parkings...
Pour cela, nous vous conseillons de vous rapporter aux idées du concours virtuel.

Si cette scénographie s’intègre dans l’écosystème du Bois de Vincennes, les associations
environnementales la soutiendront ; elles rejetteront toute navette routière
(imaginons qu’elles transportent 0,5 million de passagers par an !).
• Enfin, puisque la problématique des visiteurs est la même pour les deux institutions,
le Muséum s’est-il rapproché de M. Jacques Toubon, chargé par le Président de la République
de fonder la Cité de l’Immigration ? Que va-t-on faire des 300-400 m de route à 4 voies
entre le Musée de la Porte Dorée et le Zoo ?
– L’outil scientifique... des questions en l’absence de communication interne et externe
• Si le discours officiel intègre la notion de présentation d’écosystèmes, valide le fait
qu’il y aura une ou deux serres moyennes (au maximum 2 ha), il manque des personnages
majeurs dans le texte de l’appel d’offre : les naturalistes, botanistes, écologues, spécialistes
des milieux aquatiques, des insectes, mousses, champignons, sols, etc.
La philosophie de l’appel d’offre serait-elle que la plante reste décor et l’insecte intrus ???
• Un administratif a objecté qu’il était « impossible » de reconstituer un écosystème et
nos amis en soulignent la haute difficulté ; François Ramade (dont vous lirez l’interview
dans nos colonnes) qui, outre sa débordante activité scientifique à Orsay et partout ailleurs,
est Président de la Société nationale de protection de la nature, reconnaît volontiers la pertinence
de cette réponse, mais souligne (comme vous le savez) qu’un projet scientifique est de lancer
une dynamique vers des choses difficiles qu’il rendra possible, sans quoi ce n’est pas un outil scientifique.
• Cependant, le fait que soit souligné (voir l’interview de M. Bougrain-Dubourg dans Le Parisien)
le développement des liens entre le futur zoo, Madagascar et la Guyane, va dans le sens de l’intégration
entre la recherche au Nord et la protection au Sud souhaitée par les amis du Vivant.
En cela, il y a un bon germe.
Mais une question se pose : les intérêts particuliers ont empêché la fondation du
parc naturel national de Guyane. Donc, que va-t-on faire ?
• Cela dit, nous ne connaissons pas le cahier des charges et les documents de travail,
puisque nous (ou « notre » collectif) ne sommes pas présents au Comité d’experts
ou dans son Groupe de partenaires (les associations y sont en théorie prévues).
Il semblerait que les scientifiques aient été consultés, que les serres accueilleront
une végétation authentique et que la scénographie concernera plutôt la forêt tempérée.
– La non prise en compte de l’économie globale des entreprises du développement
durable et de leurs intérêts spécifiques

La référence au développement durable dans l’appel d’offre paraît proclamatoire
(même si la coûteuse norme de haute qualité environnementale est prévue).
(Ici, nous sommes plus sur l’esprit que sur la lettre de l’appel d’offre.)
• Il y a une référence qui semble minimaliste au recyclage naturel des déchets
(à l’exemple de x zoos européens) ? La présence du Lac Daumesnil – adjacent au zoo –
n’est pas pensée comme un écosystème de taille réelle à épurer. Pourtant, c’est faisable
au moindre coût (voir Lac Daumesnil) !!!
Or, il nous paraît que l’on peut facilement sortir des sentiers battus en utilisant le potentiel global
du site : en ce cas, le Muséum repasse en tête de ses équivalents européens et américains.
• Pourquoi ne pas profiter de la dégradation du Bois pour y fonder un génie civil de restauration
des écosystèmes, précurseur de grands chantiers à venir ?
• Ce qui inquiète le monde économique émergent du développement durable, c’est qu’en
se bornant au seul Zoo, on s’interdise des percées conceptuelles sur l’ensemble du territoire et,
par conséquent, d’attirer l’attention sur l’émergence d’un secteur au fort potentiel d’emplois :
dans le seul Vè arrondissement, il y a 2 000 chercheurs du Vivant pour lesquels
des signes concrets, un grand projet global seraient les bienvenus.
Car ces sociétés ont besoin d’éléments concrets de la part de l’Etat, notamment
réglementaires et fiscaux, mais aussi d’éléments de « communication », « d’image »
(de signes crédibilisants, en somme), sans quoi elles lanceront plus difficilement leurs activités.
– Les trois points forts de l’appel d’offre
si vous relisez à présent l’appel d’offre, vous y verrez présents
les ingénieries financière, économique, touristique, les zoologues et les paysagistes.
• Cette importance donnée au paysage nous semble pertinente, d’autant que les critiques
portant sur le concours virtuel de notre association (voir sommaire) mettaient en relief
l’absence de paysagistes dans les équipes.
C’est à notre sens le premier point fort de l’appel d’offre.
• Le deuxième point fort est la présence d’une réflexion économique.
• Le troisième point fort est l’intégration dans les documents de la Charte de
restauration naturelle du Bois de Vincennes : c’est fondamental, car elle inclut le Zoo
dans son environnement, alors qu’il avait été conçu in abstracto de celui-ci.


Conclusion : continuons le combat.
(Le message des associations environnementales aux scientifiques du Muséum.)

– Un potentiel d’alliance encore inexploité entre le Muséum et la Ville de Paris,
• Pourquoi ne pas proposer à l’Institut de la biodiversité de lancer ses équipes sur la restauration
du Bois de Vincennes et l’autoépuration naturelle du lac Daumesnil ? En soi, le Bois, dégradé,
mité, est un fantastique champ d’expérimentation, une machine à créer de beaux paysages et de la vie,
un « Bois de ville » où l’on peut concilier sport, baignade, récréation et écosystème.
Cela pourrait organiser un rapprochement du Muséum et de la Mairie de Paris que l’on peine
à convaincre, car elle est confrontée à une absence criante de moyens sur ce site.
Or, les « moyens » sont d’abord humains.
• Il faut aussi savoir que rien n’est perdu avec M. Delanoë : en effet, c’est son cabinet
qui nous a en premier lieu subventionné, M. Sauter rapportant avec à-propos notre subvention
en Conseil de Paris.
• Par ailleurs, si les Jeux olympiques ne vont pas à Paris, une fenêtre de tir s’ouvrira sur une idée
de Jean-Louis Etienne, une Exposition universelle autour du Vivant, dont nous nous faisons les avocats
dans les pages de notre site Internet (http://renovation.associati.free.fr). D’où peut-être des financements
supplémentaires pour cette restauration du Zoo et donc pour le Muséum...
– ... des ambiguités fondatrices d’un échec ?...
• Au total, nous voyons dans le texte de l’appel d’offre une empreinte très administrative, une stratégie
abstraite (selon la critique d’entrepreneurs du développement durable) et un risque de parc à thème.
• Le danger est que les cabinets d’architectes, considérant que là où il y a risque il n’y a pas risque,
se focalisent par pragmatisme sur les demandes du texte initial de l’appel d’offre parce qu’ils doivent
équilibrer très diplomatiquement leurs comptes – donc les consultants, humant avec leur acuité
professionnelle habituelle l’air du temps, peuvent vouloir aller vers le parc à thème,
d’autant que les équipes ont une dominante économique et paysagère
et que le donneur d’ordre n’est pas un scientifique
(ce n’est pas un rêve, j’ai été assez consultant moi-même
pour savoir comment ils fonctionnent).
C’est pourquoi 20 semaines semblent trop courtes.
– ... Ou d’une solution élégante ?
• Si l’empreinte administrative semble prégnante au départ dans l’appel d’offre, les scientifiques,
naturalistes, botanistes, écologues, spécialistes des systèmes forestiers, milieux aquatiques,
des insectes, mousses, champignons, sols sont un contre-pouvoir efficace s’ils sont informés à temps.
• En ce cas, la méthode réflexive de l’appel d’offre permet de penser que les 4 mois à venir
feront évoluer la vision initiale.
• C’est pourquoi le procédé choisi, au total, nous semble bon car il peut permettre cette évolution.
• Bien évidemment, selon vos réactions et vos informations, nous affinerons notre analyse.
Nous tenterons d’interroger le Directeur Général, mais il faut aux associations et aux scientifiques
le cahier des charges pour qu’ils puissent réagir et éviter pour l’avenir des problèmes diplomatiques :
ce document répond peut-être déjà à certaines questions et ne pas le communiquer
ou le communiquer au dernier moment crée des incertitudes là où il n’y en a pas.

Attention : le prochain Conseil d’administration du Muséum se réunit le 12 mai.

Pierre-Gilles Bellin