La
biodiversité dans l’âge de l’économie
On s’en souvient peu, mais l’homme
qui a contribué à éveiller la conscience
écologique mondiale, le Commandant Cousteau, fut à l’origine
du scaphandre autononome.
Cette révolution technique a également contribué
à la mise en exploitation
des fonds marins, à leur exploitation par l’industrie pétrolière.
Arca Minore pense qu’il ne faut pas laisser les ressources naturelles
de plus en plus rares être gérées
paur les seules stratégies d’argent. Pour représenter
un véritable contre-pouvoir,
les hommes de bonne volonté doivent aider à la naissance
d’une économie humaniste
et démocratique. Explications.
Arca majore : « Je vais te poser une curieuse
question pour parler économie.
Comment généraliser, à ton sens, la conscience
écologiste ? »
Pierre-Gilles Bellin : « Pas si curieuse que cela... Je pense
que nous sortons d’un premier âge
pédagogique, pour entrer dans un nouvel âge pédagogique,
celui de la pédagogie des faits.
D’une part, le climat, la chute de la biodiversité font
leur entrée dans l’économie et la politique
par la grande porte des désastres ; d’autre
part, la biodiversité, l’imitation de la nature
(le ''biomimétisme'') deviennent des valeurs économiques
en elles-mêmes, et non plus
indirectement (j’entoure ''valeur'' de guillemets)... »
A. M. : « ‘‘ Indirectement ’’
? »
P.-G. B. : « Si on prend l’exemple de grands groupes agro-alimentaires,
toutes les ressources qu’utilisent
ces groupes sont naturelles, mais d’une nature obviée et
industrialisée, reposant sur une monoculture
intensive. Intrinséquement, la biodiversité suppose le
pluralisme, la mise en valeur de celui-ci.
C’est par ailleurs une chose que de répliquer sur une base
de chimie industrielle un médicament naturel,
c’en est une autre que de la cultiver, même en utilisant
la sélection, le génie génétique.
Dans ce dernier cas, le sol et le soleil sont à la base de ce
médicament, qui a été
produit dans la fonderie des interactions lentes et naturelles. Alors,
le développeur ne fait
qu’observer ce que la nature fera toujours mieux que lui-même
; ainsi, en outre, nous
devrions être à même d’associer les populations
qui cultivent la terre à la commercialisation
de médicament.
Là où les groupes agro-alimentaires interviennent, il
suffit d’un petit nombre d’agriculteurs auxquels
on demande surtout de se désintéresser de l’agro-transformation,
puis de la commercialisation
du produit final, donc de la valeur ajoutée. C’est l’agriculture
contre les cultivateurs, les villages,
les communautés. C’est aussi la grande distribution contre
les cultivateurs, les marchés mondiaux
contre les cultivateurs, et c’est en final le consommateur qui
paye 4 euros 125 g de framboises...
où achète des produits qui sapent son immunité
naturelle. »
A. M. : « Mais pourquoi ne pas s’en tenir à
une stricte démarche pédagogique,
où à être simplement boîte à idées.
C’est très suspect de tenir, dans certains milieux
écologistes, un langage économique ! »
P.-G. B. : « C’est bien sûr l’atypisme de notre
démarche. Il faut distinguer l’argent comme finalité
de l’argent comme moyen.
Nous croyons en la pédagogie, en la pédagogie des faits.
La pédagogie jusqu’à présent a fait
appel à l’admiration de la nature, aux bons sentiments,
et a même développé sur ces bases
sa micro-rentabilité. Avec un indéniable succès,
mais chaque année c’est la même chose,
il faut se rebattre toujours pour qu’on ne lotisse pas les côtes,
ou si ce ne sont pas les côtes
ce sont les micro-estuaires, etc., et le tout avec zéro moyen
financier, l’impossibilité d’effectuer
des suivis permanents, de payer de bons cabinets d’avocats.
Mais on va d’ici à 10-15 ans pouvoir vivre de la biodiversité,
en faire vivre sa famille :
chacun en sera le meilleur défenseur. Et si les gens sont malades
de la chute de la biodiversité,
ils en deviendront aussi les meilleurs avocats.
Ensuite, il y aura la pédagogie cataclysmique, car si les gradients
thermiques se déplacent,
entraînant à leur suite les zones climatiques, on va soudain
créer dans chaque pays des milliers
d’écologistes. Et la phrase de Cousteau prendra tout son
sens : ‘‘ De toutes les espèces, c’est
l’espèce humaine qui est la plus menacée ’’.
»
A. M. : « Comment s’inscrit Arca Minore dans cette
évolution ? »
P.-G. B. : « Tout d’abord, comme nos fondateurs viennent
en partie de l’édition, nous construisons
une sorte d’ouvrage collectif grâce à notre site
Internet et à ses magazines économiques, scientifiques
et philosophiques. L’idée, c’est d’associer
les meilleurs, de se regrouper avec des sites amis et
hautement professionnels, comme Vivant, par exemple, afin de restituer
peu à peu une mosaïque
collective des outils qui vont pouvoir nous permettre de répondre
aux crises émergentes, tout en
montrant ce que le biomimétisme apporte à l’industrie
et à l’emploi. Ça, c’est Arca Minore,
en fait conçu comme un collectif de réflexion, sans appropriation
individuelle.
Nous seront présents également sur l’architecture,
l’aménagement urbain et territorial,
ainsi que dans la réflexion politique, mais vue comme une démarche
apolitique d’intérêt général.
S’il a juste un mot qui doit nous résumer, c’est :
'' concret ''. »