Du Zoo de Vincennes à la création d’emplois ?
Rêve ou possibilité ?


Il semble absurde de penser qu’un zoo peut conduire à l’emploi,
et d’ailleurs nous ne le prétendons pas. Mais si on pense plus globalement que
le Zoo de Vincennes, la perspective change et nous pénétrons dans un univers
à quatre dimension, qui inclut les perspectives temporelles et stratégiques.
Conséquence, le critère de réussite de l’actuelle rénovation lancée par le Muséum
d’histoire naturelle de Paris, sous l’égide du Ministère de l’Éducation nationale,
change fondamentalement. Interview du président d’Arca Majore, Pierre-Gilles Bellin.

Arca Majore : « Comment peut-on, en rénovant un Zoo, créer de l’emploi au-délà
de ce qui n’est qu’un parc animalier? »

Pierre-Gilles Bellin : « L’erreur a été jusqu’à présent de penser le zoo en tant que tel, dans
son triangle de 15 hectares coincé en périphérie du Bois de Vincennes. En fait, le Zoo est une partie
du Muséum d’histoire naturelle, et le Muséum lui-même, avec ses 500 scientifiques de haut niveau,
une partie des 4000 scientifiques qui travaillent sur le Vivant autour de ce site parisien que Jack Lang
appelait la « coulée universitaire » : 2000 dans le seul cinquième arrondissement (Ecole normale
supérieure, Paris VI, Paris VII, Institut de physique du globe) ; 2000 en plus, en additionnant
la future faculté des Moulins de Tolbiac, l’Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, les agences sanitaires
des aliments et du médicament dans cette même ville, les industriels du médicament de l’Ouest
du Val-de-marne, l’École d’agronomie tropicale de Nogent-sur-Marne, l’École d’horticulture
du Breuil et, bien sûr, le Zoo de Vincennes... plus la trop petite équipe de l’Aquarium tropical
du Palais de la Porte Dorée. »

A. M. : « Je repose ma question... »
P.-G. B. : « J’y arrive... Il faut resituer ces scientifiques dans une triple, voire quadruple crise
en train d’émerger : la crise de la biodiversité, avec ses conséquences sanitaires et alimentaires
que nous développeront peu à peu dans le site ; la crise climatique, avec le déplacement des zones
climatiques vers le nord certainement, donc remettant en cause tout notre système agroalimentaire
et même l’approvisionnement en eau ; la crise économique, avec le coût majeur des soubresauts
climatiques, types tempêtes, inondations, sécheresses ; la crise politique, qui résulte des précédentes,
avec toutes les technologies guerrières et de l’information.
Or, en France, la première institution qui gère la biodiversité, c’est le Muséum, et ceux qui travaillent
sur la biodiversité, le climat, etc., ce sont les scientifiques du Vivant... CQFD.
Conclusion : ce sera ici dans l’Est parisien et l’Ouest du Val-de-Marne, dans ce qui est le premier
regroupement européen, et probablement mondial, des scientifiques du Vivant, que se mettront
en place les techniques qui permettront de résister.
Exemples : les techniques de contrôle des espèces invasives de plantes et d’insectes ; le génie
civil environnemental ; les thérapies antiallergiques, anticancéreuses, résultant (comme l’indique
de plus en plus les études) des conséquences des monocultures à base d’engrais et de pesticides ;
la biomimétique (ou bionique), à l’incroyable potentiel économique, et dont nous reparlerons ; etc.  »

A. M. : « Pourquoi faire tout cela autour de ce site. C’est faisable partout ! »
P.-G. B. : « Partout, vous avez raison. Si l’expérience que j’ai en tant que consultant et auteur
d’ouvrages économiques montre l’effet d’échelle des concentrations d’experts en un même et seul lieu,
ce qui compte en premier lieu ce sont en effet les réseaux et les investissements. C’est pourquoi les
pouvoirs publics doivent fournir aux ‘‘bio-entreprises’’ des avantages rationnels qui les poussent
à se regrouper dans la ‘‘coulée universitaire’’ parisienne, afin d’inverser encore plus fortement
la courbe du chômage parisien (longtemps, nous avons produit plus de chômeurs que
les autres régions françaises, ce qui est un comble pour la capitale)... »

A. M. : « Le fait même qu’une toute petite association telle que la vôtre
se saisisse du problème ne risque-t-il pas de nuire à la crédibilité du projet ? »

P.-G. B. : « Toute crédibilité se construit dans le temps. Le créateur d’Apple travaillait dans
son garage, celui de Microsoft vendait de petits logiciels à celui-ci. Si les fondations sont bonnes,
la construction montera avec beaucoup de travail, de la chance et le minimum d’erreurs.
Mais chacun son rôle : nous ne nous imaginons pas dans le rôle d’un créateur majeur d’activité,
d’un tel opérateur, car cela serait de la mythomanie.
À l’évidence, c’est le rôle de l’Etat ou d’une grande collectivité publique, comme la Mairie de Paris
ou/et la Région Île-de-France.
Je pense personnellement que c’est un grand sujet pour le Maire de Paris pour une nouvelle
mandature. Après l’échec des Jeux Olympiques, il s’agit d’une possibilité très crédible pour
la majorité municipale ‘‘plurielle’’ de faire basculer le cinquième arrondissement dans son camp
en se faisant partisan des intérêts scientifiques, et de conserver le douzième arrondissement où elle
a été élue de justesse... Et ce tout en faisant jeu égale avec l’État, sur un sujet de dimension nationale !
En son temps, Jacques Chirac avait su se servir de Paris pour se donner une stature présidentielle
en développant ses relations internationales : quand vous recevez un chef d’État, c’est que vous êtes
dans le club. Comment, en 2005, renouveler cette stratégie qui seule est créatrice de destins présidentiels ?
Va-t-on laisser retomber les énergies qui se sont levées aux JO, spécialiser Paris dans l’art, la culture,
le musée, la seule contemplation des trésors du passé ?
Mais rien n’empêche l’actuel gouvernement de reprendre le sujet, en lui donnant une dimension
électorale en s’appuyant sur l’UMP parisien, en train de finaliser son projet électoral ! »